La magie des camps d’été

La magie de la dynamique des camps musicaux d’été (summer camp) :  comment les enfants se donnent entre eux  autant de joie et de motivation, sans compter l’apprentissage de techniques musicales et tout un horizon nouveau de possibles.

Interview Decembre 2014, Roni

Mon premier « camp musical ». Voilà c’était il y a presque 30 ans et c’est quelque chose de très frais encore. Qu’est-ce qui fait que c’est encore présent en moi, que c’est toujours resté toujours aussi magique ?

Roni a les yeux qui pétillent dès qu’il en parle, alors je lui tends rapidement le micro.

D’abord j’ai commencé la musique assez tard, à l’âge de 11 ans, directement au conservatoire. De l’alto. En fait je voulais jouer du violon mais la classe d’alto était un peu vide, alors on m’a dit « est-ce que tu ne veux pas commencer à jouer de l’alto ». Ne venant pas d’une famille de musiciens je ne savais pas ce que c’était. J’ai demandé si c’était  pareil, on m’a répondu « c’est la même chose », et j’ai enchainé « si c’est la même chose, alors OK ». Je suis aujourd’hui très content d’avoir commencé directement par l’alto, et je veux préciser que je joue toujours et que je n’ai jamais arrêté..

 

Chose importante, mes parents m’avaient dit : « amuse toi autant que tu veux en jouant de la musique, mais garde  en tête que ce ne sera pas ton métier, ce sera un hobby, et c’est formidable de faire ça comme un hobby ». Garde toujours à l’esprit  que c’est pour ton plaisir ». C’est une philosophie que j’ai toujours gardée et j’en suis très content. Aujourd’hui je fais effectivement un métier qui n’a rien à voir avec la musique puisque je suis ingénieur dans le secteur de l’environnement. J’en suis content, car en effet, même si j’ai commencé tardivement, j’étais plutôt doué et les profs ont vu en moi un potentiel de musicien professionnel et ils avaient tendance à me pousser, en disant « vas y, vas y » avec l’esprit conservatoire, c’est-à-dire en me mettant la pression comme on fait en France. Bon, moi j’étais toujours très cool grâce à mes parents qui m’avaient bien expliqué de me passionner autant que je voulais, mais que je n’en ferai pas mon métier, et que ce ne devait être que du plaisir. Voilà pour le préambule.

Quand j’avais 14 ans, après 4 ans de conservatoire, il y a eu un summer camp de « musique et cheval ». L’équitation  je n’en n’avais jamais fait de ma vie mais c’était étonnant comme ca ce « musique et cheval ». C’est ma prof d’alto qui m’en avait parlé. J’ai sauté sur l’occasion sans savoir à quoi m’attendre. J’ai dit « allez hop on y va ».  Ca durait trois semaines. Et c’était vraiment génial, génial, génial.

Alors en quoi c’était génial ? Quand j’y repense j’ai l’impression d’avoir de nouveau 14 ans. (Les yeux pétillent toujours autant !) D’abord on jouait tous les jours, il y avait cours d’instruments individuels, on travaillait avec un tuteur, on avait quatuor et on avait orchestre, donc trois activités différentes tous les jours. Il y avait beaucoup d’instruments mais uniquement des instruments à cordes, violon, alto et violoncelle, comme ça il n’y avait pas de problème pour faire des quatuors. Il y avait plein de formations différentes, je me rappelle d’un octuor de violoncelles, c’était très créatif. On jouait tout le temps, évidemment moi je n’en avais pas l’habitude car la routine c’était une fois par semaine au conservatoire et chez moi peut-être deux fois par semaine. D’un seul coup ça devenait intensif mais cool car il n’y avait aucune impression d’intensité. Et en plus il y avait équitation je crois une fois tous les deux jours. J’ai appris à monter à cheval et j’ai adoré aussi. Je n’étais jamais monté sur un cheval de ma vie et  assez rapidement on s’est mis à galoper en forêt. Peu de personnes se sont mises à s’essayer au galop qui n’avait jamais fait de cheval avant. Pour moi cela s’est bien passé et ça aussi c’était un truc génial

On devait être une trentaine d’élèves en tout dans le camp.  On était dans le même état d’esprit, on était toujours ensemble, on partageait tous la même passion, on était tous des musiciens, on aimait ça. Entre un violoniste, un violoncelliste et un altiste il y a peu de différence, on partage la même passion, les mêmes musiques et en plus on découvre les uns des autres. Si il y en a un qui disait « ouais moi je vais jouer un super truc de Bach, si je n’en n’avais jamais entendu parler, je disais on va jouer ensemble, on va essayer…

On avait des niveaux différents mais on partageait tous la même passion. La plupart des élèves avaient commencé la musique à 5 ou 6 ans donc je faisais partie des plus faibles niveaux. Mais tous les « anciens » étaient encourageants et je pouvais me mélanger et jouer avec eux. Je n’avais pas de complexe à être moins bon, d’ailleurs dans l’environnement bienveillant qui était le nôtre, tout poussait à essayer, à tenter, à oser sans aucun complexe. Tout était très naturel, très fluide, très cool et on était content les uns avec les autres, on était content les uns des autres. On aimait s’écouter.

On se disait intérieurement et tout haut « waouh, c’est génial », on était très bienveillant, même protecteur. On avait à peu près le même âge, ça allait de 11 à 16 ans. C’est aussi l’âge où on commence à draguer, il y avait plein de nanas mignonnes et moi c’était la première fois que je sortais avec une fille. Evidemment tout ça aide aussi à faire que c’est encore mieux. Alors je ne sais pas ce qui faisait qu’il y avait tellement de magie, mais il y en avait, c’est évident.

Évidemment le niveau musical a progressé énormément car on jouait tout le temps. Le dernier jour les parents viennent et on fait un concert où tout le monde joue. Alors évidemment tous les parents étaient super impressionnés. Ils ne nous avaient lâchés que trois semaines avant mais la différence, pour eux, surtout ceux qui comme les miens venaient pour la première fois, était sidérante. On a énormément appris et progressé et ça aussi c’est un plaisir immense. Il y avait vraiment une ambiance inoubliable.

LES EI

Les camps musicaux étaient magiques, mais les camps des EI tout autant. Là aussi j’ai commencé sur le tard car j’ai grandi dans une ville très éloignée des communautés juives, dans un coin paumé sur la Loire. C’est un ami de la région parisienne qui m’a dit « c’est génial vient ». J’y suis allé et il avait raison, c’était absolument génial. C’était à l’autre bout de la France, quelque part dans le sud, c’était magique aussi et pourtant il n’y avait pas la musique. Comme quoi la musique n’est pas essentielle. Ils n’étaient pas des génies ou des gens avec qui je partageais une même passion et pourtant c’était génial aussi comme dans les summer camp musicaux.

Moi je l’ai vécu comme une passion forte avec d’autres personnes, avec qui je me sentais proche, avec qui je partageais plein de choses et quelque chose de très fort. Aux EI, quand on devait partir à l’aventure en petits groupes avec uniquement 20 francs par jour et par personne pendant trois jours, c’était super.  On apprenait. C’est un grand mot de dire « apprendre » mais c’était l’aventure entre nous, on se baladait, c’était la liberté. Il n’y avait pas d’autre contexte où on nous laissait trois jours comme ça partir à l’aventure. « Vous vous débrouillez » ! et à l’époque les téléphones portables n’existaient pas encore.

Mais il n’y avait pas que ça, tout le camps était génial, on s’est éclaté. Il y avait un autre rapport au temps, par rapport à l’école ou avec les parents là où on habite. Je ne sais pas forcément comment expliquer pourquoi c’était génial… mais c’était réellement génial.

La liberté était quelque chose de spécial, il fallait savoir quoi en faire. Pourtant avec mes parents, mes frères et moi étions très libres, ils avaient une grande confiance en nous donc cette liberté ce n’est pas quelque chose que je découvrais. Mais c’était une liberté au-delà de quelque chose d’habituel. Et nous entendre dire « voilà vous partez trois jours et vous revenez dans trois jours… » c’était fou. On marchait à l’aventure par petits groupes de 5 ou 6, sans mono (moniteur), sans rien, on était livré à nous-mêmes. C’est génial, c’est une liberté totale ! On se disait on va voir où on va dormir, ça va être cool, et c’était cool, tout était cool. On marchait je ne sais plus combien, peut être 20 km par jour, on avait quand même une destination de prévue. Je crois qu’il fallait passer un coup de fil par jour depuis une cabine téléphonique mais on était libre. On avait des instructions mais à travers ces instructions on était libre.

On avait un tout petit budget pour gérer le groupe, évidemment il fallait dormir gratos, c’est-à-dire demander aux habitants des villages est-ce qu’on peut dormir dans votre grenier. On a dormi une fois dans du foin dans une ferme et c’était étourdissant car c’était la notion de liberté par excellence. Voilà, wouai, c’était super.