Tag Archives: Alain Finkielkraut

Intermède : L’Identité malheureuse, Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse, Stock oct 2013,

Page 192: Les Grecs plaçaient sous le nom d’aidos la restriction de l’estime de soi-même au fondement de ce que nous appelons aujourd’hui le vivre-ensemble. L’aidos, c’est la réserve, la modestie, la pudeur qui naissent en nous, de l’intériorisation du regard des autres. A l’enfant encore alogique, l’aidos permet de recevoir l’empreinte de la transmission et d’accéder ainsi au logos. L’enfant qui a le sens de la pudeur n’est pas seulement l’esclave de ses convoitises et de ses peurs, il se situe dans l’orbe de la société des hommes, il est soucieux de l’image visible qu’il donne de lui-même et c’est pourquoi il écoute ce qu’on lui dit.

Page 193-194 : Qu’est-ce qu’un classique ? C’est un livre dont l’aura est antérieure à la lecture. Nous n’avons pas peur qu’il nous déçoive mais que nous le décevions en  n’étant pas à la hauteur. Nous admirons avant de comprendre et, si nous comprenons, c’est parce que l’admiration a tenu bon et forcé tous les obstacles. L’a priori, en l’occurrence, n’est pas un préjugé, c’est une condition de l’intelligence. Ainsi s’opère la transmission de la culture … Cette crainte à laquelle les Temps modernes avaient su faire une place est aujourd’hui caduque. Et l’éducation, pour la première fois de son histoire, ne peut plus compter sur l’aidos.

Page 194 : Aymeric Patricot, Autoportrait du professeur en territoire difficile : « Trente enfants qui ne craignent pas l’autorité parce qu’ils ne savent tout simplement pas ce que c’est. Trente enfants dont le plus grand plaisir est la provocation, l’agressivité, le chahut. …

Page 180-181 : La démocratie, en effet, c’est-à-dire le droit de tous à la parole, produit du conformisme.  …  Dans les temps démocratiques, toutes les autorités deviennent suspectes, sauf l’autorité de l’opinion. …  Affranchi de la tradition et de la transcendance, l’homme démocratique pense comme tout le monde en croyant penser par lui-même. Il ne se contente pas d’adhérer au jugement du public, il l’épouse jusqu’à ne plus pouvoir le discerner du sien propre. Il ne sacrifie pas la sincérité à l’idéologie dominante, il est tout à la fois sincère et docile, individualiste et suiviste, authentique et opportuniste, grondeur et grégaire.